« Le soir n’en finit pas : je suis envahi de cauchemars jusqu’à l’aube. » Ces mots de la première lecture sont ceux de Job. Qui d’entre nous n’a jamais fait cette expérience des nuits sans sommeils ou agitées par les soucis, les contrariétés ou le chagrin ?

« La vie sur terre est une corvée ». C’est encore ce que nous dit Job dans la première lecture. Oui c’est vrai, il y a des étapes dans notre vie où tout devient lourd, difficile à supporter ; et parfois nous avons l’impression de vivre sans perspective ; nous avons l’impression qu’il n’y a plus de sens dans ce que nous vivons.

 

Cette impression, Job l’a expérimentée et l’a exprimée.

Ici, nous venons d’entendre un passage seulement, tiré de tout un livre qui est une réflexion sur la souffrance de l’homme et de son rapport à Dieu. Job a tout perdu. Ses enfants sont morts dans une catastrophe alors qu’ils faisaient la fête avec des amis, tout ses biens ont été volés lors d’une razzia par des tribus nomades, sa femme s’est opposée à lui, puis il s’est retrouvé malade. Seul, abandonné, incompris par ses amis, il passe par tous les sentiments. Il se met même à douter de Dieu et à se révolter.

 

Mais si on va au bout de la lecture du livre, on peut découvrir comment Job a fini par trouver la paix.

C’est par le silence. Au chapitre 40 du livre (40,4), Job décide de se taire. C’est dans le silence qu’il comprend que le plus important n’est pas de comprendre mais de savoir que tout a du sens aux yeux de Dieu (42,1-6). Job ne comprend pas ce qui lui arrive mais il sait que Dieu a un plan qui dépasse la compréhension de l’homme. Et ce plan est un plan d’amour. Je ne comprends pas, mais je sais que Dieu sait. Et cela m’ouvre un chemin de paix.

 

L’homme doit parfois se taire pour laisser Dieu parler, car Dieu ne parle pas quand l’homme bavarde ; même les bavardages intérieurs, tout ce qui perturbe notre cœur et notre esprit.

Savoir se taire pour laisser Dieu parler.

Parler, oui, C’est la première étape à toute crise. Job a parlé d’abord. Il faut parler et faire sortir de soi toutes ses inquiétudes. Puis dans un deuxième temps, savoir se taire pour se laisser guérir. Comme Job.

Si la parole est une thérapie, le silence l’est aussi dans une deuxième étape ; mais une étape tout aussi nécessaire pour pouvoir avancer.

 

Dans l’Évangile, nous pouvons contempler Jésus. Jésus qui répond à toutes les sollicitations. Jésus qui est venu annoncer le Royaume mais qui se voit transformé malgré lui en guérisseur de toutes sortes de maladies. Il n’est pas indifférent à la souffrance humaine ; il cherche à faire le bien. Depuis la belle-mère de Saint-Pierre jusqu’à la foule de Capharnaüm, Jésus répond : « présent ! »

Mais à un certain moment, Jésus ressent le besoin de passer à une autre étape. Il ne veut pas se laisser enfermer dans ce tourbillon qui l’éloigne de sa mission première. Il lui faut prendre du recul sinon il va rester le thérapeute de Capharnaüm alors qu’il est venu annoncer le Royaume à toute l’humanité. Oui Jésus doit prendre du recul et pour cela il doit se retirer dans le silence de la nuit, le silence de la montagne, le silence loin de la foule et des murmures.

Jésus fait silence pour retrouver ce qui est le centre de sa vie. C’est ainsi qu’il prend conscience qu’il n’est pas venu pour Capharnaüm seulement, ; il prend conscience qu’il lui faut sortir de ce tourbillon dans lequel il est entré de manière à accomplir sa mission première : non pas guérir seulement, mais annoncer le salut de Dieu.

 

Ces lectures sont pour nous une invitation à ne pas nous laisser paralyser par les souffrances, à ne pas nous embourber dans ce que nous ne comprenons pas. Même si la désespérance et la révolte nous habitent, il ne faut pas en être prisonnier, mais chercher, malgré tout, à avancer.

Quand nos paroles deviennent toujours les mêmes et qu’elles finissent par devenir toxiques, accueillons le silence. Quand nous avons l’impression de tourner en rond dans nos réflexions, acceptons le silence et la prise de recul pour laisser notre vocation première revenir en pleine lumière.

 

Alors, nous pourrons nous poser les vraies questions : qu’est ce qui fait le centre de ma vie ? Quelle est ma vocation première ? M’occuper de ma famille, annoncer l’amour de Dieu contre toute épreuve, continuer à me mettre au service des personnes à qui j’ai consacré ma vie… Chacun peut répondre à cette question : quel est le centre de ma vie, qu’est-ce qui est le plus important pour moi ?

Retrouver un cap, retrouver le cap qui jusqu’à présent m’a fait marcher et m’a fait tenir debout.

Le silence de Job, le silence de Jésus… Ces silences de la Bible doivent nous inspirer pour retrouver le chemin de la paix intérieure. Pour retrouver notre vocation première. Pour ne pas nous arrêter d’annoncer l’Évangile du Christ, comme St Paul. « Annoncer l’Evangile, c’est une nécessité qui s’impose à moi », coûte que coûte, quelles que soient les circonstances. Dans la joie, dans les épreuves, « Malheur à moi si je n’annonçais pas l’Evangile », la bonne nouvelle du salut ».

Père Ivan BRIENT, homélie du dimanche 4 février 2024